MAW a eu le plaisir de rencontrer Naïl VER-NDOYE, co-auteur du livre
« NOIR : entre peinture et histoire ».
Cet écrivain aux multiples facettes nous explique la genèse de ce livre emblématique.
D’où est venue l’idée du livre ?
A force d’aller dans les musées et de voir la représentation de noirs sans vraiment connaitre l’histoire du personnage, il me semblait nécessaire de raconter leurs histoires. Le but du livre est aussi de vulgariser l’Histoire, de la rendre accessible à tous les publics. C’est d’ailleurs pour cela que j’ai choisi de faire des textes très simples qui vont à l’essentiel et qui peuvent se lire en 8 mn maximum.
Finalement il s’agit d’un livre d’histoire et non pas un livre d’art. Je prends pour prétexte une peinture pour ensuite dérouler toute une histoire connue ou encore méconnue et qui nous touche.
En France on a encore un problème à concevoir qu’une personne ait une identité multiple. Par exemple je suis français, banlieusard, d’origine sénégalaise, écrivain, prof d’histoire – géo, voyageur et surtout j’adore l’art.
Les histoires ou la manière dont on voit l’autre est toujours très manichéenne en France, et on est vite mis dans une case. Ce livre est aussi un testament de ces histoires qui réfutent cette vision.
Comment s’est passée l’écriture du livre ? Comment est-ce qu’on choisit ce qui va apparaître et ce qui ne va pas apparaître ?
On s’est réparti le travail avec Grégoire (ami et co-auteur du livre) et on a d’abord recensé des milliers d’œuvres puis on les a divisées en plusieurs thématiques. Initialement on avait 20 thèmes chacun, puis on s’est arrêté à 10 thèmes – qui sont ceux qui figurent dans le livre. Je ne voulais pas faire un livre chiant et long à lire avec pleins de citations latines.
Le but c’est vraiment de faire un lien entre les gens mais aussi avec l’art et notamment cet art qui est souvent considéré comme l’apanage de certains privilégiés. Le but est de vulgariser les thèmes et je pensais notamment à mes élèves (de collège) en l’écrivant.
Quel a été l’accueil de ce livre ?
Très bon, on avait plein de propositions (plaisante t’il).
Les éditeurs étaient très frileux, le mot noir leur faisait très peur. C’est d’ailleurs pour ça que ça a pris 4 ans (de la conception à la vente). Les lettres de refus étaient très argumentées, ce qui m’a poussé à continuer.
Plusieurs éditeurs nous ont conseillé de trouver des maisons d’édition anglo-saxonnes et de le faire sortir en Angleterre ou aux États unis pour qu’ils puissent le traduire ensuite et le vendre ici. Mais étant assez persistant, j’ai continué à envoyer le livre et on a finalement trouvé un petit éditeur (Omniscience Eds) qui a accepté de le faire paraître.
C’est surtout le public qui l’a très bien accueilli et qui nous envoyait pas mal de photos. J’ai donc décidé de créer un insta (@nailverndoye) pour publier leurs photos. Il y a eu un vrai sentiment de fierté mais pas que de la communauté noire.
Si tu pouvais nous parler de 3 œuvres du livre qui t’ont marquées, ce serait lesquelles ?
L’œuvre représentant Ayouba Diallo qui est celle d’un imam issu d’une famille d’érudits qui voulait vendre ses esclaves et qui se retrouve vendu. Dans le livre on parle notamment de sa vie et comment, après de nombreuses péripéties, il a pu revenir dans son pays.
James Armistead qui a joué un grand rôle auprès du général Lafayette pendant la guerre d’indépendance (américaine). Il jouait le rôle d’un agent double en donnant des fausses informations au camp adverse et les bonnes informations au camp de Lafayette. Il a d’ailleurs décidé d’ajouter le nom de famille Lafayette au sien, quand l’Assemblée de Virginie lui a accordé sa liberté, pour honorer le général.
Et le dernier serait celui du « Rapt de la négresse » (du peintre flamand Christiaen van Couwenbergh). Un tableau très dur qui montre de façon très imagée le viol d’une femme noire par des hommes blancs. Il est très rare de voir des scènes de viols en peinture, il existe très peu de tableaux similaires.
Pour finir, est ce que tu as une idée de suite ?
J’aimerais bien faire un Atlas des noirs, pour situer par exemple socialement les noirs autour du globe, notamment avec des statistiques ethniques par exemple. Mais je pense qu’en France ça ferait peur. Il est aussi important que ça soit un concerné qui écrive ce genre de livre.
Aujourd’hui on ne penserait pas à écrire un livre sur le féminisme avec uniquement des auteurs masculins. Je pense que c’est important que les intéressés prennent la parole.
Noir entre peinture et histoire
Auteurs: Naïl VER-NDOYE et Grégoire FAUCONNIER
Editeur: Omniscience Eds
Prix du livre : 35 euros